Ah ! L’Espagne…terre de vie, de chaleur…l’Espagne, terre d’origine également.
Nos deux compagnons se trouvaient dans la région de Madrid, que de souvenirs là encore. Un passé vif, heureux…fugace pourtant et irrémédiablement révolu. Freddy était nonchalamment appuyé à un vieil olivier, caressant quelques herbes hautes de la paume de sa main. Il observait la pente d’une colline, l’herbe jaunie par le soleil estival reflétait quelques reflets dorés sous la lumière matinale. On aurait presque pu se croire revenu dans le passé. Presque.
Freddy prit une énorme bouffée d’air frais. Presque, mais pas. Ses yeux exercés pouvaient déceler, de ci de là, les preuves que le conflit avait également touché cette région du monde. Des armes et autres équipements abandonnés par leur propriétaire, des pistes utilisées maintes fois par des soldats à couvert, des cratères d’obus que la nature peinait à reconquérir. Pauvre con, pensa-t-il, évidement que ce coin du monde était touché aussi. Comment aurait-il pu ne pas l’être ? Il fut alors pris d’une profonde sensation de dégout : dire qu’il avait participé à cette très mauvaise farce. Ces mains furent prises d’un accès de tremblements. Une personne venu de derrière lui les enserra entre les siennes, bien qu’il ne l’ait pas entendu approcher, il savait qu’il s’agissait d’Elya.
-Encore ces tremblements…tu devrais consulter, combien de fois te l’ai-je dit ?
-Et combien de fois t’ai-je répondu qu’aucun médecin au monde ne pourrait arranger ça ?
-Et bien, une fois de plus je suppose. Elle savait. Alors, cette fois-ci ta décision est prise…
-Oui. Mais tu sais, je ne veux te forcer à rien, je pourrais comprendre si…
-Tais-toi. Je ne faisais qu’attendre que tu te sois décidé. Seul, en ton âme et conscience. J’ai déjà pris des dispositions.
Quelques jours plus tard, en plein cœur de Madrid, les deux impériaux sortaient du centre de clonage. Freddy avait l’air soucieux.
-Tu es sûr que ça marchera ? Il ne va pas nous dénoncer dès que l’on aura tourné à l’angle de la prochaine rue ?
-Mais, oui arrête un peu de te conduire comme un bleu. Trovskï nous doit bien ça après ce qui s’est passé à Metz. Et puis, c’est l’ingénieur en chef du système de clonage impériale dans toute l’Europe, il est insoupçonnable et qualifié. Lors de notre prochaine…mort, il simulera un incident de réincarnation. Pour tout le monde, les circuits contrôlant la réorganisation synaptique correspondant à nos personnalités auront grillé au mauvais moment. Un incident rare, mais pas impossible. Et nous ferons partie de ces malchanceux ne pouvant ainsi plus poursuivre le combat pour le Grand Empire. En réalité, nous aurons été anesthésiés, nos corps convoyés jusqu’en Andalousie pour y être détruit avec les autres déchets biologiques. Nous aurons tout loisir de nous soustraire à la faible garde du convoi pendant le trajet et ainsi commencer …à vivre.
-Bah voyons, tu as raison de balancer tout ça en pleine rue. Tu ne voudrais pas faire une annonce officielle via tout le réseau de communication ? Ce serait dommage que quelqu’un manque l’info.
Elya partit d’un franc fou-rire.
-Il est vraiment temps pour toi de t’arrêter, tu deviens totalement parano !
Presque naturellement, leurs pas les avaient conduit au quartier général temporaire de l’Ordre, la tanière. L’endroit qui avait le plus correspondu à un foyer pour eux lors de toutes ces années. L’endroit était vide, tous leur compagnons étaient déployés sur le front. Aussi, déambulèrent-ils librement, profitant de ces derniers instants. Ressassant les vieux souvenirs, les incroyables moment passés, bon ou mauvais qui avaient à jamais changé leur perception du monde. Puis ils s’en allèrent, ne laissant derrière eux qu’un simple message, suffisamment bien dissimulé pour qu’il ne soit pas découvert avant plusieurs jours. Ce message, que seul des membres de l’OEL* sauraient traduire expliquait leur décision. Ils leur devaient au moins ça et aucun de leur frère ne les trahirait. Freddy et Elya auraient aimé prévenir d’autre personnes, mais cela aurait été prendre trop de risques. Kergan, leur chef depuis si longtemps et maintenant Empereur, pourrait s’en occuper…
Le temps passa, plus lentement que jamais, avant que l’occasion ne se présente. Violence, souffrance, démence, encore et toujours. L’Alliance avait lancé une offensive sur Madrid depuis ces positions dans la région de Saragosse. Freddy et Elya étaient armés de fusil à pompes, des armes quelques peu incongrues, mais il fallait admettre qu’elles ne manquaient pas…d’impact. Bien décidés à mener leur projet à bien, les deux futurs ex-impériaux transmirent leur dernier ordre et se mirent en route. Utilisant leurs compétences acquises après des années de combats acharnés, ils se faufilèrent aisément pour atteindre l’arrière des lignes ennemis. Leur position était située au niveau d’une corniche en hauteur, avec le Quartier Général allié en contre bas. Un bruit dans leur dos les fit sursauter, il s’agissait du signal de reconnaissance de l’Ordre et celui qui l’émettait ne pouvait être que Nurgle. Ce dernier ainsi que Khorne sortirent de derrière un petit fourrée, traverser aurait peut-être été un meilleur terme, leur passage n’avait pas fait bruisser la moindre feuille. S’engagea alors une conversation animée tout autant que silencieuse, les quatre soldats utilisant les signes comme à leur habitude en milieu hostile.
Nurgle expliqua qu’il était tombé par hasard sur le message qu’ils avaient laissé à la tanière, qu’il avait tout compris en se souvenant avoir vu sortir Elya et Freddy de chez Trovskï. Ce dernier lança un regard noir à sa compagne lorsqu’il appris que 3 bouteille de vodka avait suffit à l’ingénieur en chef pour déballer son sac… Quoi qu’il en soit, les deux loups avaient décidé de suivre leur colonel pour sa dernière action et ce choix était irrévocable. Freddy fut à la fois contrarié et touché, bien que le second sentiment finit pas prendre le pas. Les quatre impériaux échangèrent une dernière accolade et le salut du guerrier, avant bras contre avant bras, puis sortirent de leur couvert.
Tous s’étaient alignés, ils empruntaient la route principale le soleil dans le dos. Arrivés à portée de tir ils empoignèrent leur Benneli M4, à hauteur de hanche, et ils firent feu tout en psalmodiant : «Pour l’Ordre ! Pour un Empire Libre ! Pour l’Empereur ! ». Les soldats de l’alliance furent surpris par ces quatre personnages armés avançant tranquillement , ou ce fut le soleil qui les aveugla mais ils ne tirèrent pas dans un premier temps. Les impériaux quant à eux ne s’en étaient pas privé et leurs tirs concentrés finirent par avoir raison d’un commandant. Et ce fut comme si le voile avait sauté, les alliés finirent par ouvrir le feu… Les salves tirées avec disciplines les fauchèrent tel le blé sous la faux. Et ils tombèrent.
Espagne, terre d’origine, terre de fin. Un cycle se termine, un cercle, comme le krug des anciennes légendes de l’Est.